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Les effets négatifs des pollutions environnementales sur le développement neurocognitif des enfants et l’augmentation des troubles neuro-développementaux : apports des recherches récentes – ANAE N° 183 – É. GENTAZ

L’étude des liens entre des pollutions environnementales et le développement neurocognitif des enfants fait l’objet de recherches de plus en plus nombreuses issues de différentes disciplines scientifiques champs, comme la psychologie et les sciences de l’environnement, ou écologiques. Il y a déjà maintenant 7 ans, dans un éditorial d’A.N.A.E. (Gentaz, 2016), j’avais présenté l’ouvrage de Barbara Demeneix (2016)  qui montrait des effets très négatifs et durables des perturbateurs endocriniens présents dans notre environnement et notre alimentation sur le développement neurocognitif des enfants. La chercheure soutenait que l’augmentation actuelle de l’incidence des TSA (trouble du spectre autistique) et d’autres troubles mentaux ou comportementaux comme le TDAH (trouble déficit de l’attention et hyperactivité) pouvait s’expliquer non seulement par l’évolution des définitions diagnostiques et/ou des facteurs génétiques mais aussi par des facteurs environnementaux comme la pollution chimique.

Récemment, dans une étude publiée dans Science, combinant pour la première fois les résultats d’une étude épidémiologique (SELMA) basée sur une cohorte de 1 800 femmes enceintes/enfants en Suède et leurs expositions aux produits chimiques durant leurs grossesses, et des évaluations conduites dans plusieurs laboratoires européens et nord-américains, Caporale et ses collègues (2022) révèlent qu’un mélange de huit produits chimiques composé de phtalates, de bisphénol A et de composés perfluorés, mesurés pendant la grossesse dans le sang ou l’urine des futures mères, affecte le nombre de mots que leurs enfants sont capables de prononcer à l’âge de 30 mois. Ce mélange de produits chimiques a ensuite été recréé afin d’en décortiquer les modes d’actions en laboratoire : des effets de perturbations hormonales (thyroïdienne, œstrogénique, cortico-stéroïde) ont été montrés à l’aide de cellules souches neurales humaines et d’organismes aquatiques. Or, comme des niveaux optimaux d’hormones thyroïdiennes maternelles sont nécessaires en début de grossesse pour la croissance et le développement du cerveau, leurs perturbations va avoir des effets neurocognitifs négatifs à long terme. Les auteurs montrent qu’il est urgent de prendre en compte pour déterminer les seuils de sécurité, non les effets principaux de chaque facteur mais plutôt les effets spécifiques (bien connus en psychologie), des interactions entre chaque facteur principal, i.e., des mélanges !

En conclusion, le cerveau des bébés et des enfants étant toujours plus vulnérable que celui des adultes, la qualité du développement des enfants est intimement liée à celle de son environnement, dans lequel il grandit. Il ne fait aucun doute que ces augmentations des TND vont avoir des impacts socio-économiques et culturels majeurs évidents pour nos sociétés. Ces recherches salutaires montrent la nécessité d’avoir une vision globale sur l’évolution de notre société et de ces caractéristiques environnementales afin de proposer un développement psychologique le plus sain possible à nos enfants. Le développement neurocognitif de nos enfants est plus que jamais lié à la question du développement durable.  

 

Pr Édouard Gentaz

Professeur de psychologie du développement à l’Université de Genève,

Directeur de recherche au CNRS,

Directeur du Centre Jean Piaget

Références

Caporale, N. et al. (2022). From cohorts to molecules : Adverse impacts of endocrine disrupting mixtures. Science, 375, eabe8244. https://doi.org/10.1126/science.abe8244

Demeneix, B. (2016). Le cerveau endommagé. Comment la pollution altère notre intelligence et notre santé mentale. Paris : Odile Jacob.

Gentaz, É. (2016). Éditorial – Développement durable et développement de l’enfant : quels liens ? A.N.A.E, 143, 381.

Pour citer cet article : Gentaz, É. (2023). Éditorial – Les effets négatifs des pollutions environnementales sur le développement neurocognitif des enfants et l’augmentation des troubles neuro-développementaux : apports des recherches récentes. A.N.A.E., 183, 133-135.

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