N° coordonné par C. Préneron* et C. Martinot**
*Chargée de recherche, CNRS/Modyco, Université Paris Ouest Nanterre La Défense
**Professeur de Sciences du Langage, Université Paris-Sorbonne
Savoir parler implique de savoir utiliser des structures linguistiques qu’elles soient simples ou complexes, mais savoir parler c’est également savoir entrer dans des pratiques langagières où l’énonciateur s’inscrit au sein d’interactions sociales multiples. Le récit est la plus courante de ces pratiques. Pourtant son acquisition et sa maîtrise ne vont pas de soi et sont le fruit d’une évolution. Dans cette évolution, de multiples facteurs (cognitifs, individuels et sociaux) entrent en jeu. C’est le développement de cette pratique courante comme manifestation d’un fonctionnement linguistique, discursif, cognitif et intersubjectif, qui sera l’objet de ce numéro. En effet, qu’est-ce que savoir raconter ? Que désigne-t-on par compétence narrative ? Comment s’acquiert-elle ? Quel est le rôle de l’environnement dans cette acquisition ? Comment peut-on l’évaluer ? Quels niveaux discursifs, linguistiques sont à considérer ? Comment l’étayer en cas de difficultés ou de troubles du langage ? Autant de questions auxquelles les auteurs ont tenté de répondre et qui irriguent ici les travaux présentés.
Raconter quelque chose à un interlocuteur est sans doute l’activité langagière la plus universelle mais aussi la plus diversifiée. Selon la culture dans laquelle un enfant grandit, mais aussi selon l’âge du locuteur, le récit n’a ni la même place relativement aux autres formes de discours, ni la même fonction.
L’activité narrative est ainsi particulièrement révélatrice des capacités linguistiques et langagières d’un enfant, en compréhension et en production, au niveau macro-structurel et au niveau micro-structurel. L’enfant doit en effet organiser temporellement et causalement les parties du récit, et parallèlement à cette gestion, produire des énoncés et des enchaînements compréhensibles et cohérents. Le récit est donc à la fois révélateur de sa maîtrise de la langue et de la continuité discursive. À ces deux plans, il peut donc constituer un outil de remédiation du fait justement de l’utilisation graduée, ciblée que peut en faire le praticien ou le pédagogue.
Mais, qu’il s’agisse d’écoute, de compréhension ou de production, l’activité narrative du jeune enfant s’inscrit d’abord dans le dialogue et de plus en plus d’études s’intéressent à la façon dont les enfants font l’expérience des narrations dans l’interaction. Pour autant, il s’agit là d’un mode précurseur dont l’enfant va peu à peu s’autonomiser, le développement de la compétence narrative se caractérisant par une émancipation progressive de l’étayage de l’adulte. Peu à peu, l’enfant passe de récits polygérés à des récits monogérés.
Un récit peut ainsi être considéré comme une manifestation de maîtrise linguistique : d’abord lorsque ses énoncés sont conformes à la syntaxe de la langue maternelle ou cible de l’énonciateur. En comparant des environnements linguistiques contrastés, elles mettent clairement en évidence les effets de la stimulation langagière sur les capacités de ces narrateurs à utiliser des phénomènes complexes dans leurs récits.
Avec une modalité effective de prise en charge par le narrateur, un récit peut enfin signer une maturité langagière, cognitive, intersubjective, lorsque sa cohérence intègre une gestion appropriée des informations partagées et nouvelles et que, ce faisant, il assure l’intercompréhension du « qui fait quoi » et « pourquoi ».
Différentes tâches narratives ont été proposées aux enfants locuteurs, le plus souvent à partir d’un support visuel : bande dessinée, histoire en images, film sans parole mais aussi à partir d’une histoire préalablement entendue. La présence d’un document source, jouant dans les études ici rapportées un rôle déclencheur, ne provient pas seulement de la contrainte expérimentale mais rappelle la fonction déterminante des documents construits, organisés, structurés, à l’appropriation par l’enfant, de la macrostructure des histoires, de l’enchaînement chronologique et logique des événements, de la permanence des personnages. Ces travaux nous renseignent sur ce que « savoir raconter » veut dire. Et, dans une perspective orthophonique, ils fournissent des informations repères pour l’élaboration d’un « diagnostic » et d’une rééducation. L’évaluation du récit, dans ses multiples facettes, permet de compléter et de préciser les difficultés langagières d’un enfant dans leurs aspects linguistiques et fonctionnels, d’enrichir le questionnement sur le comportement des enfants atypiques et d’orienter la prise en charge sur ces éléments en adaptant les modalités de l’interaction.
Éditorial
DOSSIER
Introduction
Développement des compétences narratives : analyse longitudinale des récits d’un enfant entre 2 et 4 ans
Reprises et fonctionnement syntaxique : les fondements d’une compétence narrative chez l’enfant entre 3 et 6 ans
Narration, explication et troubles du développement du langage
Profils de mères et implication des enfants dans la co-construction d’un récit
Les phénomènes complexes de la langue sont-ils complexes pour tous les enfants ?
La compétence narrative en Italien L1 : adolescents marginalisés vs adolescents issus d’un milieu privilégié
Procédés anaphoriques dans les récits d’enfants monolingues et d’adultes apprenant une L2
Évaluation & développement de la macrostructure du récit oral chez les enfants avec ou sans troubles du langage
La syntaxe évaluative, source de cohérence : une interrogation à partir de récits d’enfants en difficulté d’apprentissage du langage écrit vs des mathématiques
ARTICLES VARIA
L’effet de la liaison en production écrite chez l’enfant dyslexique et normo-scripteur
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