Les Jeux olympiques d’été de 2024, officiellement appelés les Jeux de la XXXIIIe olympiade, seront célébrés du 26 juillet au 11 août 2024 à Paris. Ces Jeux font l’objet de nombreuses controverses dans l’espace médiatique : choix des sports, place des femmes, discriminations sociales et économiques, enjeux géopolitiques, conflits de valeurs, corruption et soutenabilité écologique. Au-delà de ces controverses, au moins deux effets potentiels bénéfiques sont à souligner en ce qui concerne le développement psychologique des enfants et des adolescents.
Le premier effet bénéfique potentiel concerne la pratique des activités physiques et sportives chez les enfants et les adolescents. Comme ces derniers vont être exposés durant les Jeux à un grand nombre d’activités physiques et sportive, ils vont avoir l’occasion d’observer, aussi bien chez les athlètes masculins que féminins, une grande variété d’engagements et de performances sportifs extraordinaires, individuels ou d’équipes, de partager socialement différents types d’émotions d’une grande intensité, et de participer à des engouements collectifs. Compte tenu des effets des apprentissages sociaux et d’imitation présents chez les enfants et les adolescents (Fourneret & Gentaz, 2022 ; Gentaz, 2023), il est fort possible que ces phénomènes les incitent à s’engager à la rentrée scolaire dans une nouvelle pratique physique ou sportive.
Rappelons que, selon l’OMS, l’activité physique consiste en « tout mouvement corporel […] entraînant une dépense d’énergie supérieure à celle du repos ». La définition de la santé selon l’OMS intègre le domaine physique, mental et social. Un grand nombre de recherches montre que les activités physiques apportent des bénéfices à la santé physique comme mentale (Hillman, Erickson & Kramer, 2008). En plus des effets positifs sur la santé, on observe des effets positifs sur le développement émotionnel chez les enfants (Valkenborghs et al., 2019). L’éducation physique est particulièrement favorable au développement des compétences socio-
émotionnelles, étant donné le caractère fréquent de l’activité et la richesse des interactions entre les enfants. Par exemple, des études montrent que les enfants qui exercent une activité physique ont de meilleures habiletés intra et interpersonnelles. Ils ont également une meilleure adaptabilité et une intelligence émotionnelle plus élevée que ceux qui ne pratiquent pas d’activité physique et sportive. En effet, la pratique d’une activité physique ou d’un sport requiert de l’enfant une grande flexibilité mentale, il doit s’adapter à diverses situations et contextes. Cela lui permet d’apprendre à réguler ses propres émotions mais aussi de comprendre celles des autres. Au-delà de l’acquisition de compétences émotionnelles, les activités physiques et sportives collectives offrent en particulier un environnement qui favorise le développement de compétences sociales comme l’apprentissage au respect des règles et des autres, une meilleure capacité à se faire des amis, un esprit d’équipe et une meilleure coopération.
Le second effet bénéfique potentiel concerne les personnes en situation de handicap. Depuis l’année 1988 à Séoul, les Jeux paralympiques sont organisés dans la même ville et à la suite des Jeux olympiques. Les Jeux paralympiques sont une compétition multisports, similaire aux Jeux olympiques mais réservée aux athlètes atteints de handicap physique, visuel ou mental. Les Jeux paralympiques ont pour objectif de promouvoir les sports paralympiques et permettre aux personnes en situation de handicap d’avoir accès à ces sports et de modifier l’image du handicap en suscitant l’intérêt de tous pour ces Jeux. Par des processus similaires (apprentissage sociaux et imitation), il est possible que cette exposition médiatique change et améliore les représentations mentales des personnes valides concernant les personnes en situation de handicap et leurs capacités physiques et sportives. De plus, il est possible que ces Jeux favorisent les pratiques sportives inclusives des enfants en situation de handicap puisque l’éducation sportive permet aux enfants d’être plus inclusifs envers les camarades, de faire connaissance avec d’autres enfants que leurs amis, de faire preuve de patience avec les camarades rencontrant des difficultés, et de coopérer avec ces derniers. Le facteur qui explique au moins partiellement l’acquisition de ces compétences émotionnelles et sociales réside dans l’empathie dont les enfants font preuve dans les jeux sportifs collectifs. Tous les effets bénéfiques sont aussi observés chez les enfants en situation de handicap qui pratiquent des activités physiques et sportives.
Même si la visibilité des Jeux paralympiques de Paris n’a jamais été aussi forte, il reste donc aux instances olympiques internationales à fournir un effort supplémentaire : organiser des olympiades vraiment universelles, dans lesquelles Jeux olympiques et paralympiques seraient célébrés durant la même période et non plus avec un mois de décalage pour ces derniers ! Il s’agirait d’un geste politique courageux car affranchi de considérations mercantiles et incontestablement aligné avec les valeurs de l’olympisme.
« Le Mouvement olympique a pour but de contribuer à bâtir un mode pacifique et meilleur
en éduquant la jeunesse par le moyen de sport pratiqué sans discrimination d’aucune
sorte et dans l’esprit olympique mutuelle, l’esprit d’amitié, la solidarité et le fair-play »
(Comité Internationale Olympique, 2024 ; https://olympics.com/cio/vue-d-ensemble).
Pr Édouard Gentaz
Professeur de psychologie du développement à l’Université de Genève,
Directeur de recherche au CNRS,
Directeur du Centre Jean Piaget
Gentaz, É. (2023). Comment les émotions viennent aux enfants ? Paris : Nathan.
Fourneret, P., & Gentaz, É. (2022) (Eds). Le développement neurocognitif de la naissance à l’adolescence. Paris : Elsevier-Masson.
Hillman, C., Erickson, K., & Kramer, A. (2008). Be smart, exercise your heart : exercise effects on brain and cognition. Nature Reviews of Nuroscience, 9, 58-65.
Valkenborghs, S., Noetel, M., Hillman, C., Nilsson, M., Smith, J., Ortega, O., & Lubans, D. (2019). The impact of physical activity on brain structure and function in youth: A systematic review. Pediatrics, 144(4), e20184032.
Pour citer cet article : Gentaz, É. (2024). Les Jeux olympiques et paralympiques : deux effets potentiels chez les enfants et les adolescents ? A.N.A.E., 190, 217-219.
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