Dans mon édito paru en 2019, j’alertais sur les risques et les raisons d’un échec annoncé de la réforme de la formation des futurs enseignants proposée par le MEN à partir de la rentrée 2020 (en dépit des différents rapports et alertes des chercheurs et professionnels). Trois ans après, le constat d’échec est là et une nouvelle réforme est annoncée dans les prochains mois.
Voici trois principes pour une nouvelle formation et un nouveau recrutement des enseignants du primaire (Gentaz, 2022).
Principe 1 : recrutement sur un concours national sélectif à la fin de première année post-bac. Ce concours en portant sur TOUTES les disciplines enseignées en école primaire permettrait de s’assurer d’un niveau académique de base de tous les futurs enseignants de primaire.
Principe 2 : une fois la première grande sélection effectuée, une formation en alternance entre l’université/INSPE et les différents terrains scolaires, dispensée pendant 4 ou 5 années jusqu’à l’obtention d’un titre équivalent d’un Master serait proposée aux étudiants sélectionnés. Cette alternance évoluerait vers un nombre d’heures en classe de plus en plus important au cours des années (et une rémunération qui augmente en conséquence). Ces étudiants bénéficieraient d’une formation académique apportée par des enseignants-chercheurs et d’une formation professionnelle apportés par des enseignants du primaire-formateur.
Principe 3 : former à et par la recherche interventionnelle et collaborative. La co-construction par des futurs enseignants en stage, des enseignants de terrain et des enseignants-chercheurs de programmes interventionnels et leurs évaluations qualitatives et quantitatives peuvent constituer de très bons outils de formation professionnelle. En effet, cette co-construction permettrait de créer un cercle vertueux entre, d’une part, les enseignants qui élaborent et testent sans cesse un grand nombre de techniques pédagogiques, majoritairement issues de la pratique et, d’autre part, les chercheurs qui essaient de comprendre, d’expliquer des techniques et stratégies d’apprentissage et d’évaluer leurs effets issus le plus souvent d’expérimentations. Cette formation par la recherche permettrait aux futurs enseignants de mieux comprendre tous les facteurs qui influencent les apprentissages des élèves et les effets de leurs gestes professionnels (Wyss et al., 2023).
En conclusion, il est primordial que ces trois principes intègrent pleinement la dimension « école inclusive » en abordant notamment les conséquences pédagogiques des situations de handicap et des troubles neuro-développementaux.
Pr Édouard Gentaz
Professeur de psychologie du développement à l’Université de Genève,
Directeur de recherche au CNRS,
Directeur du Centre Jean Piaget
Gentaz, É. (2019). Édito – La réforme du recrutement et de la formation initiale des enseignant·e·s en France pour 2020-2022 : vers un recul d’une formation professionnalisante ? A.N.A.E., 163, 699-701. https://anae-publication.com/l039editorial/la-reforme-du-recrutement-et-de-la-formation-initiale-des-enseignant-e-s-en-france-pour-2020-2022-vers-un-recul-dune-formation-professionnalisante/?_post_id=4539
Gentaz, É. (2022). Les neurosciences à l’école : leur véritable apport. Paris : Odile Jacob.
Wyss, A., Gvozdic, K., Gentaz, É., & Sander, E. (2023). Comment favoriser les apprentissages scolaires ? Repenser les gestes professionnels pour l’enseignement. Paris : Dunod.
Pour citer cet article : Gentaz, É. (2023). Éditorial – Trois principes pour une nouvelle formation des futurs professeurs des écoles en France. A.N.A.E., 187, 617-618.
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